Entre ce que nos yeux sont capables de voir et ce qu’un écran est capable de produire comme couleurs, il existe des différences. Lorsque l’on parle d’image et de rendu numérique on entend souvent parler d’espace de couleurs, de gamut ou encore d’espace colorimétrique, mais qu’est ce que ça veut dire ? Et surtout comment interpréter les graphiques de comparaisons d’espaces de couleurs des télévisions / écrans ?
Un diagramme de chromaticité pour les capacités de l’oeil humain
Avant d’interpréter des valeurs et de les comparer entre elles il faut déjà comprendre de quoi nos yeux sont capables. En 1931, la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) a établi un moyen de représenter les couleurs visibles par l’homme grâce à l’espace CIE RGB. Rapidement, la luminancea été séparée de la chrominance afin d’obtenir un diagramme en 2 dimensions facilement lisible : le diagramme de chromaticité CIE 1931.
Ce diagramme représente la palette de couleurs visibles par l’oeil humain. Il faut comprendre par là que les couleurs aux limites de cette zone sont les couleurs maximums / extrêmes que l’homme peut voir. L’oeil humain n’est pas capable de voir un rouge plus rouge que celui défini en bas à droite du diagramme par exemple. Dans cette palette de couleurs un oeil humain est capable de différencier environ 10 millions de nuances différentes, c’est ce qu’on appelle la profondeur des couleurs et cette notion est très différente de l’espace de couleurs.
De meilleures représentations des couleurs ont depuis été inventées, comme l’espace Lab (CIELAB 1976). Cet espace de couleurs en 3 dimensions offre une meilleure répartition spatiale, il est en revanche plus difficile à représenter, voilà pourquoi on lui préfère souvent le diagramme de chromaticité CIE 1931 qui est plus facilement compréhensible et surtout parfaitement adapté à la comparaison d’espaces de couleurs entre eux.
Les standards TV : rec. 601 (SDTV) puis rec. 709 (HDTV)
En 1982, la télévision couleurs est en pleine démocratisation. Compte tenu des capacités de la technologie des TV à l’époque (tubes cathodiques), l’Union internationale des télécommunications – Secteur radiocommunication (ITU-R) en profite pour établir un standard accompagné d’un espace de couleurs : le rec. 601.
Mais concrètement, ça veut dire quoi ? Les 3 couleurs primaires, c’est à dire le rouge maximum, le vert maximum et le bleu maximum qu’une télévision devait pouvoir afficher étaient les couleurs situées dans chaque angle du triangle rec. 601 (triangle en pointillés noir) tandis que le reste des couleurs affichables était contenu à l’intérieur de ce triangle. L’objectif était d’inciter les constructeurs de télévisions à produire des écrans dans une norme. De cette manière, si un “producteur / réalisateur” de vidéos décidait d’utiliser un rouge spécifique pour une scène alors il aurait la garantie que la couleur affichée soit exactement la bonne nuance de rouge et pas un rouge “approchant”.
Il faudra ensuite attendre l’arrivée des téléviseurs numériques (HDTV) pour que l’IUT-R propose un nouveau gamut qui est en fait… quasiment le même : le rec. 709 ! Le rendu est globalement satisfaisant pour la plupart des images car les couleurs manquantes de ces espaces ne sont pas si fréquentes dans la vie de tous les jours, voilà pourquoi la quasi totalité des contenus utilisent ces espaces colorimétriques depuis des dizaines d’années. D’autre part, l’avantage de ces espaces réduits est qu’un encodage en 8 bits (faible débit) suffit pour avoir de bonnes nuances sans rencontrer de problèmes de “color banding”.
Mais dans la pratique, toutes les TV ne se valent pas ? En fait les téléviseurs tentent simplement de s’approcher des couleurs de l’espace rec. 709. Les modèles bas de gamme, sont incapables d’afficher des couleurs fidèles (espace plus étroit / triangle plus petit) alors que les modèles de très bonne qualité sont capables d’afficher des couleurs très proches de l’espace standard rec. 709.
Observer un diagramme de chromaticité sur un écran n’a pas vraiment de sens puisque les couleurs affichées sont limités à l’espace de couleurs qu’il est capable d’afficher. Ces diagrammes donnent simplement une idée globale des capacités d’un espace de couleurs comparées aux capacités de l’oeil humain.
Le standard des moniteurs : sRGB
Le sRGB est un espace de couleurs créé en 1996 principalement pour les moniteurs à tubes cathodiques et les imprimantes. Il utilise exactement les mêmes couleurs primaires que celles du rec. 709 pour des raisons de cohérence (les contenus étants les mêmes), seule la courbe de gamma est légèrement différente. Il reste l’espace de couleurs standard des moniteurs qui sont aujourd’hui équipés de dalles LCD / LED.
Pour les pro : Adobe RGB, DCI-P3, xvYCC…
Pour les professionnels et les passionnés de retouches photo ou de montage vidéo il existe également des écrans à large gamut capables d’exploiter les meilleurs réflex et caméras du marché. Même si au final tout ce qui finit par être diffusé est adapté / converti pour les espaces de couleurs standards, il est toujours plus intéressant de travailler avec la meilleure qualité possible en amont.
Il existe de nombreux espaces de couleurs à large gamut mais les plus connus sont l’AdobeRGB (monde de la photo) ainsi que le DCI-P3 et le xvYCC(monde du cinéma). Compte tenu de la largeur de ces espaces de couleurs et du fait que l’image ait vocation à être travaillée, la profondeur des couleursutilisée est souvent beaucoup plus importante (10, 12 voir même 16 bits). Encore une fois, tout ce travail de production d’image fini par être “ré-encodé” pour un affichage standard en 8 bits dans un espace de couleurs en rec. 709 / sRGB afin que nous (le grand public) puissions en profiter.
HDR et rec. 2020 pour les téléviseurs UHDTV !
Les technologies d’aujourd’hui sont capables de produire des couleurs dans des espaces bien plus larges que ceux utilisés jusqu’à maintenant et ce depuis de nombreuses années. Malheureusement sans contenus (films / programmes TV / jeux vidéo / photo) pour exploiter ces couleurs supplémentaires, il n’y avait aucun intérêt à fabriquer de telles télévisions.
L’industrie du cinéma et de la télévision ayant une certaine inertie, voilà pourquoi nous avons conservé le même espace de couleurs pendant des dizaines d’années. Heureusement, le HDR (High Dynamic Range) arrive enfin, avec la volonté de réunir à la fois les producteurs de contenus et les fabricants de TV afin de les faire travailler dans un nouvel espace de couleurs : le rec. 2020 qui est cette fois beaucoup plus large que ses prédécesseurs.
Cet espace étant beaucoup plus large, il permet d’obtenir des couleurs beaucoup plus proches de ce qu’un oeil humain est capable de voir. En conséquence le HDR utilise un encodage des couleurs en 10 bits afin d’avoir un maximum de nuances dans ce nouvel espace colorimétrique. Le débit HDMI est donc plus important voilà pourquoi il est recommandé d’investir dans de bons câbles HDMI.
L’offre de téléviseurs UHDTV compatibles HDR est en pleine expansion, surtout depuis l’avènement de la 4K UHD, et le contenu utilisant ce large gamut de couleurs commence également à se démocratiser (Blu-ray 4K HDR, jeux vidéo HDR, séries Netflix HDR…). Le grand public va enfin pouvoir profiter d’un espace de couleurs plus large que celui qu’il connaît depuis des dizaines d’années !